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  • Photo du rédacteurJS Migot

RÉINCARNER L'ENTREPRISE *



Les portraits photographiques que Florence Levillain a tirés de ses rencontres avec eux nous transportent dans leur environnement professionnel. Les témoignages que Jean-Stéphane Migot en a recueilli racontent l'émouvante histoire de chacun… Tout deux ont voulu prolonger cette expérience parce qu’ils ont vibré à chaque rencontre, qui les a projetés dans un univers toujours unique et poignant. Florence agissait en peintre, relevant un détail, capturant une expression, dégageant un caractère enfoui dans les traits de ses sujets. Jean-Stéphane accouchait ces personnes sensibles, qui avaient vécu mille avanies avant de se trouver eux-mêmes.


Finalement cette galerie était plus qu’une série de portraits. Elle révélait, discrètement, presqu’imperceptiblement, chacun d’eux, et composait un portait plus profond que ce qu’on en attendait au début de cette commande.


Quand ils se racontaient, ces 30 femmes et hommes parlaient de leur vie de maintenant, oui, mais aussi de celle d’avant, qui n’avait pas été si brillante, si normale, en dehors des clous et des normes qu’on voulait leur faire respecter. La fuite d’un pays natal qui les honnissait parce qu’ils en critiquaient le gouvernement… Parce qu’ils aimaient autrement, des femmes ou des hommes de leur sexe, ou qu’ils n’avaient plus la force de mendier leur pain quotidien auprès de régimes totalitaires et maltraitants.

Ça avait été une rupture la plupart du temps. Violente, intolérable, injuste, extrême… La galère qui les amenait ici, en France, échoués sur des rivages qui n’ont pas été tout de suite bienveillants.


La rue parfois, le foyer souvent, la manche, le froid qui pince et l’indifférence qui assassine une fois encore. Une association qui tend alors la main, un réseau qui s’organise, une parole, un sourire, un travail, un lit, du réconfort, de la joie, des rencontres à nouveau, des naissances, et enfin la vie. Oh, pas grand-chose : un boulot, de ceux que les autres ne veulent plus ici. Le soin, le nettoyage, la confection de plats culinaires pour les autres, le service et le portage, l’attention. Aux autres encore. Et toujours. C’était peu mais beaucoup à la fois.

Des métiers exécutés avec toute la grandeur et la dignité d’hommes et de femmes qu’ils retrouvaient enfin, voire qu’ils découvraient. Enfin. Ces petits gestes, invisibles la plupart du temps, que l’on a dit « essentiels » quand la crise est venue chez nous. Et on les a enfin applaudis, reconnus, honorés. Eux qui n’étaient rien devenaient tout.


On se rendait compte, enfin, qu’une entreprise fait société, animée de ces femmes et hommes de peu qui lui apportent tant. Qu’elle ne serait rien sans eux. Même ce capitalisme froid et arrogant leur doit d’être ce qu’il est, à leur corps défendant.

Aujourd’hui, rendons-leur hommage. Racontons-les pour mieux nous raconter. Prenons ce temps de les regarder pour mieux les voir. Et à travers eux, révélons l’entreprise faite de chair et d’émotions, pour mieux révéler, à la manière du photographe, ses nuances, ses contrastes et ses valeurs.


* En plus de tous ces hommes et femmes que nous avons rencontrés, nous tenons à remercier chaleureusement les personnes d'Emploi Développement qui nous ont ouvert les portes de l'association d'insertion et sans qui nous n'aurions pas pu réaliser ce travail : Emmanuel Chansou, son directeur, et Lydie Kokla, Zoé Gendrot, Eunah Kanni, Samira Belhakimi, les conseillères qui les ont suivis dans leur parcours.

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